l'association

Il n'est pas facile, pour un auteur Franc-Comtois, de trouver un éditeur qui accepte de publier ses livres. Je vous épargne le couplet sur les génies méconnus, les illustres auteurs à compte d'auteur (Rimbaud, Verlaine, Proust, Stendhal, Poe, Joyce...), tout cela est superbement présenté dans un livre d'Umberto Eco, le Pendule de Foucault. Plutôt que de continuer à essuyer des refus un peu démoralisants, il m'a semblé plus commode de créer une association pour répondre à ce besoin d'être lu.
Celle-ci ne dégage bien entendu aucun bénéfice, mais l'excédent apparaissant sur le compte de résultats est aussitôt réinvesti dans l'édition d'un ouvrage à paraître ou dans la réédition d'un livre épuisé.

Les ressources de cette association viennent de la vente des livres et de recettes encaissées lors des soirées-lecture que j'anime quelquefois. Je lis alors des extraits de mes ouvrages et aussi, fréquemment, des nouvelles inédites dont certaines sont en ligne sur ce blog. Enfin, je ne suis pas un expert en informatique et la mise à jour de ce blog est laborieuse. Soyez indulgent pour les petites fautes de mise en page, d'avance merci.


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François Hegwein 16, rue du 11 novembre 25700 VALENTIGNEY téléphone : 03 81 37 82 97
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mercredi 24 novembre 2010

actualités

Il y a 12 ans, j'avais écrit une petite histoire très politique, qui n'a pas plu à tout le monde. Certains m'en ont voulu de ne pas rester dans le terroir franc-comtois. D'autres ont douté que je fusse réellement l'auteur. D'autres encore, sans d'ailleurs l'expliquer, ont manifesté presque du dégoût pour ce genre de propos. Cependant, je ne la renie pas. Elle a été lue à plusieurs voix dans une soirée de comité d'entreprise, et voilà que la ballade irlandaise qui se dessine en cette fin de mois de novembre 2010, après le triste blues grec de cet été, me semble la remettre d'actualité.

L’USURIER.

On frappa à la porte. L’homme, assis derrière une grande table encombrée de papiers, leva la tête et dit avec onction:

-Entrez.

Un pauvre hère d’une quarantaine d’années, vêtu de haillons, pieds nus, pénétra dans la pièce et se tint debout, à deux mètres du bureau.

- Encore toi, Jacques, dit celui qui était resté assis. Je savais bien que tu reviendrais.

- Ce n’est pas de gaîté de coeur, monsieur Shylock. Je reviens implorer votre pitié.

Shylock mit des bésicles, puis ouvrit un registre, et se mit à le feuilleter, en prenant son temps. Enfin il leva la tête:

- Tu dois, aujourd’hui, me rapporter trois écus.

- Je n’en ai plus un seul, monsieur Shylock, je venais vous supplier de me prêter de quoi acheter des semences pour l’année prochaine. Si la récolte est bonne, je pourrai alors vous rembourser le tout.

- Et à combien se monte le tout, d’après toi, Jacques?

- Je vous ai emprunté sept écus, monsieur Shylock.

- Et maintenant, tu m’en dois le double, mon pauvre ami... Et plus tu tarderas, plus tu me devras. Je vais vendre ta maison, et je n’aurai même pas de quoi me rembourser de mes bontés envers toi.

Jacques se jeta à genoux:

- Pitié, monsieur Shylock, où allons nous aller, ma famille et moi?

- Jacques, tu dois bien comprendre que je prête, que je ne donne pas. Si je donne, je deviendrai pauvre comme toi, et qui pourra vous aider alors? Je suis le recours des imprévoyants, et, si je veux le rester, je dois retrouver ce que je t’ai prêté, pour pouvoir le prêter à d’autres.

- Mais pourquoi devrais-je rendre quatorze écus, quand je ne vous ai emprunté que sept?

- Jacques, il faut bien que je vive et que je mange aussi, et j’ai comme toi une famille. Je ne cultive pas la terre comme toi, je me consacre à aider mes semblables à réaliser leurs projets. Cela mérite salaire, ne crois-tu pas? Ne me rends pas fautif parce que tu ne sais pas faire marcher ta ferme. Si tu avais plus de rigueur, tu n’en serais pas là. Tiens, tu me fais mal au coeur. Si j’étais sûr que tu écoutes mes conseils, je te donnerais encore une chance.

- Ai-je le choix, monsieur Shylock?

- Bien sûr, Jacques. Tu es libre de faire ton malheur, ou de te serrer un peu la ceinture pendant quelque temps, pour repartir ensuite sur des bases saines. Et je suis libre de t’aider ou pas.

- Je vous écoute, monsieur Shylock.

- Je veux bien que tu me rembourses en dix ans, au lieu de deux. Mais tu vas faire ce que je te dis. Pour commencer, tu n’arrives pas à nourrir tous ceux qui vivent sous ton toit, il faut voir les choses en face. Tu dois renvoyer ta belle-soeur et son mari, et te contenter de journaliers que tu emploieras seulement en cas de besoin, aux moissons par exemple.

- Mais ma belle-soeur est infirme, et son mari n’a aucun bien!

- Jacques, tu ne leur rends pas service en les gardant au chaud, tu les encourages à la paresse, ils doivent apprendre à se débrouiller seuls, au lieu de se laisser engraisser.

- Engraisser, monsieur Shylock? avec ce que nous mangeons depuis des mois?

- C’est parce que tu ne sais pas compter et que ta belle-famille se repose sur toi. Ces gens voudraient vivre sans prendre de risques, en te les laissant prendre tout seul.

- Ils sont chez moi, monsieur Shylock, et j’ai l’intention qu’ils y restent.

- Comme tu voudras, Jacques, tu es libre. J’attends les trois écus la semaine prochaine.

Shylock se leva, pour donner congé à Jacques. Celui-ci sortit sans saluer. Un serviteur entra silencieusement, et vint parler à l’oreille de Shylock. Celui-ci hocha la tête, et le serviteur sortit en laissant ouvert. Un homme richement vêtu entra, et la porte se referma derrière lui.

- Bienvenue dans ma modeste maison, Monseigneur, dit Shylock en se levant pour aller s’incliner devant son visiteur.

- Pas de simagrées, maudit hypocrite, répondit celui-ci en s’asseyant, et en croisant les jambes.

- Que puis-je faire pour être agréable à Monseigneur?

- Il me faut mille écus, avant demain.

- Je n’ai pas une telle somme sur moi. Monseigneur me pardonnera ma franchise, mais les amis à qui je demanderai de m’aider à rassembler mille écus voudront savoir à quel usage Monseigneur les destine.

- Écoute, damné fesse-mathieu. Si tu répètes un mot de ce que je vais te dire, je te fais crever dans un de mes cachots, au milieu des rats. Un navire doit arriver cette semaine au port, chargé d’étoffes et d’épices. Un de mes émissaires doit racheter la cargaison pour mille écus, je la revendrai le triple. Sinon ce vieux fou de Ramono, qui a commandité le navire, en prendra livraison. Je te rendrai mille cinq cents écus, dès que sera négociée la cargaison, et je ne ferai pas traîner l’affaire, tu peux me croire.

- Je crains de ne pas pouvoir convaincre mes amis, à moins que Monseigneur ne me rende deux mille écus.

Un éclair de rage traversa le regard du jeune seigneur, puis il conclut sèchement:

- Tu les auras, coquin. A demain, et veille à ne pas avoir les mains vides.

Le visiteur sortit devant Shylock courbé jusqu’à terre.

Il se passa quelques instants avant que le serviteur ne vienne chuchoter à nouveau quelque chose à l’oreille de Shylock. Sans doute la venue d’un autre visiteur de marque, car le protocole fut presque le même. Sauf que le visiteur invita Shylock à s’asseoir, avant de prendre place lui-même.

- Shylock, j’ai besoin de toi.

- Monseigneur, je suis tout dévoué à Votre Excellence.

- Mes greniers sont presque vides, et j’ai de nombreuses personnes à nourrir. Il me faudrait deux cents écus pour passer l’hiver, je te les rendrai après les moissons.

- Que Monseigneur ne prenne pas ma remarque pour de l’insolence, mais pour la sollicitude d’un vieil homme qui a toujours servi sa famille. Mais comment Monseigneur pourra-t-il passer l’hiver prochain, s’il gage la récolte de cette année?

- Shylock, j’espère qu’elle sera suffisante pour, et nourrir mes gens, et te rendre ce que tu me prêteras. La précédente récolte a été anormalement maigre.

- Et, si Monseigneur permet, elle était déjà hypothéquée par un emprunt de cent écus.

- Tu sais que je fais partie d’une vieille famille, Shylock, et que nous avons toujours honoré nos engagements.

- Que Votre Excellence ne voie pas de méfiance envers elle, mais seulement envers la Fortune, qui n’est pas toujours clémente, même aux âmes les plus nobles. C’est pourquoi je souhaiterais aider Monseigneur, en ayant l’outrecuidance de donner mon avis sur la façon dont Monseigneur manifeste sa grande générosité. Peut-être certains abusent-ils de cette générosité.

- Shylock, mon Intendant est au dessus de tous soupçons, si c’est ce que tu entends par là. Il est d’ailleurs dans l’antichambre, avec nos livres de comptes, parce que j’avais prévu ta réticence.

- Que Monseigneur n’y voie nulle offense, si je me permets de les consulter.

- Ton insistance à t’excuser de m’offenser montre assez que tu ne me fais plus confiance, et que tu ne me respectes plus.

- Oh! Monseigneur! répondit Shylock, qui cependant, malgré son air désolé, ne bougea pas. Je veux seulement éviter que vous y laissiez encore quelque joyaux de votre fortune familiale, comme je c’est arrivé plusieurs fois à mon grand chagrin. Et que votre situation n’empire: au delà de la sollicitude que je porte à Votre Excellence, le simple égoïsme me dicte que j’ai à veiller à la prospérité de votre Maison.

Un homme âgé fut introduit dans le bureau, portant un livre épais qu’il posa, à la demande du Seigneur en visite, devant Shylock. Celui-ci chaussa ses bésicles.

- Que Monseigneur me pardonne, mais je vois que quelques fermiers et métayers n’ont rien apporté à Monseigneur cette année.

- Cela tient à cette mauvaise récolte dont je t’ai parlé.

- Je vois aussi que Monseigneur pourvoit, par une pension, à la subsistance de dix musiciens, d’un peintre, d’un chroniqueur.

- Ils ont toujours fait partie de ma Maison, je ne pourrais vivre sans jouir des arts, qui sont un hymne à la bonté de Dieu.

- Certainement, Monseigneur. Je vois aussi que vous entretenez soixante hommes d’armes. C’est considérable, pour une Maison qui n’est en guerre contre personne.

- Shylock, dans cette garnison sont compris les invalides qui se sont fait blesser à mon service.

Shylock referma le livre. Il retira ses bésicles, ferma les yeux et prit quelques instants de réflexion.

- Monseigneur m’accorde-t-il une entière franchise?

- Parle, Shylock.

- Si mes propos offensent Monseigneur, que celui-ci considère que d’autres pourraient sans discuter lui proposer la somme qu’il a demandée, et attendre le moment de se partager ses dépouilles. Car la Maison de Monseigneur est en péril, elle est comme un navire qui prend l’eau, et rien ne sert de vider cette eau si la brèche reste ouverte. Je vais énoncer à Monseigneur quelques mesures simples à prendre pour colmater ces brèches. Pour commencer, si des fermes et métairies ne rapportent plus rien à Monseigneur, elles doivent être vendues, et leurs fermiers et métayers dispersés, comme le justifie leur paresse et leur incompétence.

-Mais, Shylock, ces terres font partie de ma Maison, ces paysans comptent sur moi pour vivre!

- Si votre Maison s’écroule, Monseigneur, vous n’aurez plus aucune terre. Quant aux paysans, ce n’est pas les aider que de les encourager à la paresse. Il est écrit: “Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”., et non pas: “Tu peux t’appuyer sur ton Seigneur.”

Je poursuis, Monseigneur. Les artistes dont vous subvenez généreusement aux besoins ne vous donnent pas l’aubade tous les soirs, ni ne vous peignent un tableau, que je sache. Il faut vous contenter d’écouter des musiciens de passage, aussi souvent que vous le désirerez, il est vrai. Et de commander des oeuvres aux peintres et chroniqueurs de la ville, et autant que vous en donnaient vos gens pensionnés.

- Mais eux aussi font partie de ma Maison, Shylock! En outre, mes poètes et musiciens connaissent mes goûts, l’histoire de ma famille et de mon pays. Des artistes venus d’ailleurs ne sauront jamais me parler de ce que j’aime!

- Ils savent chanter ce qu’aime tout le monde, Monseigneur, ils sont formés par l’accueil qu’on fait à leurs chants et poèmes. Si ce qu’ils chantaient ne plaisait pas, ils ne dureraient pas longtemps. Leur grande audience est garante de leur qualité.

- Voire, Shylock! Invité chez des seigneurs voisins, j’en ai entendu qui arrêtaient le couplet pour vanter les armes de Tolède et une autre fois les soieries de Lyon.

- Les armuriers et soyeux les payent pour vanter leurs produits, quel mal y a-t-il à faire connaître ce qui est bon? D’autant que la somme à leur verser est inférieure, à cause de ces armuriers et soyeux. Les autres troubadours sont trop chers, et disparaissent, sauf ceux qui profitent des largesses de Monseigneur. Mais hélas, ainsi que je l’expliquais à Votre Excellence, leur temps est peut-être compté. Mais que Monseigneur ne les pleure pas trop: habitués à la générosité de Monseigneur, ils rabâchent les mêmes chants sans prendre le risque d’en inventer de nouveaux. Et ce faisant, ils empêchent les autres troubadours, ceux qui circulent librement, d’atteindre la prospérité qu’ils pourraient espérer.

Si Monseigneur le permet, je vais passer à la garnison.

- Je t‘écoute avec résignation, Shylock. Mais ne crois pas que je vais suivre tous tes conseils.

- Si un homme n’est plus en état de porter les armes, il n’a point à manger à votre table au titre de soldat. Il faudrait donner à chaque invalide une certaine somme, et le laisser libre de l’utiliser comme il lui plaît, loin de la Maison de Votre Excellence.

- Mais Shylock, tu connais les hommes, et les soldats: ils dépenseraient tout en beuveries en un mois, et on les verrait mendier à la porte des églises le restant de leurs jours!

- Et à qui la faute, s’ils se conduisent ainsi? Loin de tenir Votre Excellence pour un ingrat envers ses soldats, on La louerait de ne point engraisser d’ivrognes et de paresseux!

- Mais, Shylock, j’ai un devoir envers tous mes gens, qu’ils soient paysans, artistes ou soldats!

- Eux aussi ont un devoir envers Monseigneur, c’est de ne point charger la barque qui les porte jusqu’à ce qu’elle coule, et d’apprendre à nager tous seuls. Voilà, j’ai dit à Monseigneur tout ce que je pouvais pour l’aider, sans flatterie inutile.

- Était-ce un conseil, ou une condition, Shylock?

- Que Monseigneur ne le prenne pas mal, mais Votre Excellence a déjà vendu tous ses bijoux. Je ne peux, sans risquer ma propre existence, prêter à Monseigneur que sur un gage.

Le Seigneur sortit d’un air sombre, suivi par son intendant.

Shylock se leva, retira un masque souple qui recouvrait son visage, et se massa doucement les ailes du nez. Puis il passa dans une pièce contiguë, où l’attendait un groupe d’hommes et de femmes, assis à une table en U, habillés comme au XXème siècle. L’un d’eux se leva pour l’accueillir.

- Nous venons de visionner à nouveau la première entrevue, Mike. Nous sommes tous d’accord, vous étiez sur le point de douter de vous même, ça se lit sur vos attitudes corporelles. Ces stages ont été spécialement étudiés pour les négociateurs du F.M.I. afin qu’ils ne doutent, précisément jamais de leur légitimité, même en face de comédiens.

Et Dieu sait qu’il y en a, des comédiens, dans ceux qui viennent demander notre assistance. Demander notre assistance, Mike, ce n’est pas nous qui allons les chercher. Asseyez-vous, Mike. Une tasse de café? Suzan, allez lui chercher un café.

Shylock-Mike s’assit à la place indiquée et prit une attitude d’attente. Son costume d’acteur de l’époque élisabéthaine mettait une touche insolite à la scène.

- Voyez-vous, Mike, nous ne devons jamais perdre de vue que c’est tout le système du libre-échange qui a permis l’essor de la société industrielle, et qui a permis à l’Humanité de sortir de la barbarie. Sans libéralisme, nous en serions encore au Moyen-Age, avec tout ce qu’il avait de cruel, en plus des famines, de la peste, de la mortalité infantile. Vous avez déjà été accosté par un mendiant, une femme, ou un gosse. Vous savez que c’est de la comédie, et que vous ne devez rien donner. Ces gens-là en vivent, et ne sortiront jamais de leur mode de vie si on les encourage. La fermeté que vous manifestez pour dire non à un mendiant, c’est la même que vous devez avoir devant les pleurnicheries des états qui empruntent au F.M.I.. Votre bon droit, c’est le Progrès, c’est l’exemple de la réussite des États Unis, leur puissance, leur taux de croissance, leur victoire contre le chômage. Il n’y a pas d’autres voies que la leur, c’est une évidence dont vous devez être convaincu, et ne pas vous laisser déstabiliser comme un touriste par un gosse qui mendie.

A la deuxième situation, vous avez réagi correctement en demandant un délai. L’encaisse que vous aviez, pour ce jeu, était de trois mille écus, vous avez prétexté le besoin de consulter vos amis non pas par manque de trésorerie, mais pour vérifier par vos agents le sérieux de l’investissement envisagé. L’attitude gestuelle de votre emprunteur, autoritaire, conquérant, gagneur en somme, donnait déjà des indices sur la solidité de ses garanties.

Au troisième emprunteur, il fallait effectivement vérifier la gestion, puisque l’emprunt ne portait pas sur une opération, mais sur un renflouage.

Vous avez bien développé le programme d’ajustement structurel, tout en glissant qu’il était déloyal de protéger des artistes, déloyal envers ceux qui pratiquaient leur art de façon libérale. Vous avez insisté également sur la responsabilité, et dénoncé les assistés qui font couler une structure. Quel que soit le déplaisir du seigneur, il fallait vous tenir ferme. Ce hobereau est, disons, comme Don Quichotte, un représentant un peu ridicule d’un monde qui s’éteint. C’est vous qui apportez, non pas la sanction, mais la chance d’accéder au progrès, à la croissance.

Il est important de réhabiliter le personnage de l’usurier, qui a tant contribué au progrès, tant en aidant les forces vives qu’en élaguant les branches mortes. Et afin de vous enlever tout remords superflu, croyez-vous vraiment qu’il faisait si bon vivre sous la houlette d’un seigneur du monde féodal, quand il piétinait les terres arables en chassant, ou engrossait les filles?

L’animateur principal du stage se leva:

- Nous reviendrons encore, autant qu’il le sera nécessaire, sur le scénario que vous avez travaillé aujourd’hui. Ensuite vous jouerez un autre personnage. Un négociant français du XVIIIème siècle, engagé dans le commerce triangulaire. Vous aurez à justifier l’importation de ressources humaines venant d’Afrique Noire - laissons-là le mot d’esclavage qui n’a aucune rigueur scientifique, aucune objectivité. Vous plancherez sur la liberté d’entreprendre et d’échanger, qui a fondé le décollage industriel par l’accumulation de capitaux et le rassemblement d’une main d’oeuvre suffisante. Bien entendu, la forme que cela a pris à l’époque ne permettait aucune flexibilité, puisqu’il fallait nourrir le personnel même aux périodes où il était improductif - mais c’est le seul argument sérieux contre cette forme d’emploi. Les pleurnicheries des philosophes - qui en profitaient largement, d’ailleurs! - n’ont jamais rien apporté au Progrès.