LES CENT PREMIERS exemplaires de « Fumées d’usine », roman sorti courant mai, se sont déjà envolés. François Hegwein, l’ancien facteur de Seloncourt, qui signe là son huitième ouvrage publié, voudrait bien croire que cet engouement est dû à son (indéniable) talent. « Mais », reconnaît-il lucidement, « j’ai bien peur qu’il n’en soit rien. Les premières personnes qui l’ont acheté étaient intéressées par la rumeur. Certains y croient même dur comme fer ».
La rumeur ? En fait, plutôt une légende urbaine, qui court depuis plus de quarante ans : celle de deux CRS, qui pendant les événements de 68, auraient disparu, tués à Peugeot Sochaux. L’histoire, encore propagée aujourd’hui sur le net, varie entre la disparition de leurs corps en fonderie et/ou dans des cuves d’acide !
L’établi du côté de l’humain
François Hegwein entend parler de la rumeur en 2001, alors qu’il vient de publier un roman historique, « L’envers du décoré ». Intrigué, l’enfant du pays, s tour à tour enseignant, informaticien puis facteur, revenu dans le Pays de Montbéliard en 1991, commence à enquêter. « Rien ne vient corroborer cette histoire » souligne-t-il, aujourd’hui. « La disparition de deux CRS a sans doute été imaginée pour faire pendant à la mort bien réelle elle, malheureusement, de deux manifestants à Sochaux (NDLR : Pierre Belot et Henri Blanchet) ».
La légende urbaine a cependant servi le propos de l’écrivain dans « Fumées d’usine » : elle est prétexte – son personnage principal en quêtant sur la rumeur- à récréer toute une époque, celle du tout début des années 70, avec les milices patronales, les maoïstes sectaires, les syndicats vomissant du gauchiste. L’intrigue ne se déroule pas à Sochaux. Mais partout et nulle part où l’Usine est omniprésente. « J’ai voulu dépayser l’histoire, presque dans un sens juridique ; du coup je me suis senti beaucoup plus libre ».
Du coup aussi, l’expérience du héros - plutôt un anti-héros d’ailleurs, avec ses doutes et des frustrations ! - touche à l’universel. Contrairement à un précédent roman « Eldorado », « Fumées d’usine », s’il évoque la jeunesse de l’auteur, n’a pas grand-chose d’autobiographique. Mais l’humanisme de son personnage, Bernard, un établi, peu enclin à faire la révolution à coup de barre de fer, sa poursuite de chimères, sa dépression même le rendent à la fois proche de François Hegwein et du lecteur. Bernard, finalement, c’est lui, c’est nous : « Les seules certitudes qui lui restaient étaient qu’il n’aurait jamais voulu se trouver du côté des fusilleurs, qu’ils soient tsaristes ou bolcheviks, franquistes ou républicains ».
L’école du conte
« Fumées d’usine », Les Amis du Lézard Vert, 12 €. Disponible dans les libraires Nicod (Valentigney), Les Papiers bavards (Audincourt), Le Marque-Page (Pont-de-Roide), Maison de la presse de Seloncourt.
Depuis sept ans en retraite, François Hegwein a retracé son expérience de facteur dans « Les histoires vraies du facteur Paul ».
L’auteur veut maintenant tourner la page des années 60-70. Il a en préparation un recueil de contes. Un premier aperçu en sera donné début octobre à l’occasion de l’exposition sur « L’école d’autrefois », organisé par l’association des Amis du Vieux Seloncourt.
Sophie DOUGNAC
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